Les régions productrices de thé en Inde. |
Nous avons déjà relaté l’épopée du botaniste écossais Robert Fortune qui avait rapporté des plants et des graines de théiers de Chine au retour de plusieurs missions «clandestines» effectuées pour le compte de l’East India Company Britannique entre 1842 et 1849. Cette véritable opération d’espionnage industriel avait pour objectif de briser le monopole de l’Empire Chinois sur le thé et de faire face à la concurrence des Hollandais, qui cultivaient déjà du thé dans leurs possessions indonésiennes depuis une dizaine d’années.
C’est donc en mars 1851 qu’un vapeur britannique remontait un affluent du Gange vers Calcutta chargé de serres portatives avec 20 000 plants issus de graines de thé germées de la variété Camellia sinensis sinensis. Acheminés ensuite vers les contreforts de l’Himalaya leur transplantation s’est faite avec beaucoup de succès. Lors d’une tournée d’inspection en 1854, R. Fortune constate avec joie que les théiers transplantés semblent devenus plus productifs que dans leur pays d’origine. En effet, les plantes s’épanouissaient dans ce climat d’altitude et en 1874 Darjeeling compte déjà 112 jardins. |
Et alors les autres thés, les 99% restant, comment sont-ils ? L’immense péninsule qu’est l’Inde s’étirant des contreforts de l’Himalaya vers le sud sur plus de 3 000 km compte cinq régions de production dont quatre dans la partie nord du pays : - l’Assam, avec plus de 2 500 plantations qui poussent tout au long de l’immense vallée du Brahmaputra, au climat tropical de fournaise et qui ont produit 480 700 t en 2009, ce qui représente prés de la moitié de la récolte nationale. |
On y distingue quatre territoires différents : le haut Assam «upper Assam», la rive nord «north bank», l’Assam central et le bas Assam «lower Assam». L’hiver vient là-bas entre décembre et février, avec des températures les plus basses d’environ 15°C et qui entrainent la période de dormance des théiers. C’est la deuxième cueillette de mi mai à juin qui donne des thés excellents avec du corps et une saveur relevée recherchée pour l’export.
- le Bengale de l’Ouest, avec les plaines du nord, les Dooars et le Terai : qui produisent ensemble environ 195 000 t de thé de qualité standard, dont seulement la première cueillette de mars à mi mai se caractérise par des saveurs distinctes. Les autres apportant de la couleur à la tasse mais restant neutre pour le goût. Cette production est transformée en majeure partie en thés CTC.
- le Darjeeling, qui appartient aussi au Bengale de l’Ouest, mais se situe en altitude et dont le terroir avec son unique combinaison de climat, de sol et de botanique produit «le champagne des thés» dans ses 89 plantations délimitées et ayant droit au premier logo national IGP. Ces thés exquis, récoltés à la main par des femmes qui ne prennent que le bourgeon et 2 feuilles sont classés en 4 saisons : le «first flush» cueilli de fin février /mi mars jusqu’à mi -avril, après les 3 mois de dormance hivernales, est généralement le plus prisé. Il est suivi par le «second flush» de mai aux feuilles déjà plus matures et qui donnent à la tasse la célèbre saveur de muscat. Puis arrive le «monsoon flush» des pluies d’été de juin à octobre, qui est souvent cueilli de manière moins fine et vendu comme un thé Darjeeling générique et enfin le «flush de l’automne», d’octobre à novembre, qui est à nouveau de grande qualité, mais alors à la saveur plus ronde et douce comparée au pétillant des thés du printemps. D’autres vous en parleront à nouveau et beaucoup plus en détail !
- la vallée du Kangra, au pied de l’Himalaya située entre les deux villes saintes de Daramsala et d’Amritsar dont la production de 12 000 t va prochainement obtenir le quatrième logo national.
- l’Inde du Sud, y compris les Nilgiris avec une récolte de plus de 222 000 t, donc près d’un quart de la production indienne. Ces thés sont en majeure partie des thés de plaine et cueillis toute l’année sans aucune période de dormance. Ils sont d’un goût neutre à l’exception des thés d’altitudes des «montagnes bleues» - les Nilgiris – qui sont plantés jusqu’à 2 500 m et produisent une excellente qualité pendant l’hiver. Cueillies de décembre à février ces tasses d’un ambre brillant et avec une saveur acidulée et une force équilibrée sont les seules à pouvoir se comparer à une tasse de thé du Darjeeling, c’est à eux que le Tea Board a attribué le troisième logo national.
NB : merci au Tea Board of India – Tea Board Of India et à M.A. Kanoria – Balaji Agro pour une partie des éléments de cette introduction. |
(*) CTC : crush, tear, curl. Les feuilles sont broyées et roulées en petites billes avant la desiccation ce qui donne couleur et saveur homogène à la tasse. Nous en parlerons plus en détail dans le prochain numéro.