Sylvie Guichard-Anguis, maître de thé de la tradition Urasenke

Sylvie Guichard-Anguis, enseignante de la tradition japonaise Urasenke en Val de Marne.

Florence Debay - propriétaire du site Temae.net et spécialiste en thés japonais - a rencontré Sylvie Guichard-Anguis dans sa pièce à thé, où se déroulent les cours. Cette pièce à thé traditionnelle est recouverte de tatamis. On s'y tient à genoux. C’était un jour d’été et le brasero sur lequel repose la bouilloire en fonte était orné de libellules en vol. Ce jour-là tout le monde étudiait les préparations avec la boîte. Il faisait chaud et une faible source de chaleur émanant de petites pièces de charbon ne déplaisait à personne, comparée aux habituels superbes morceaux rougeoyants savamment disposés.
Après nous avoir préparé un bol de thé léger (usucha, le thé mousseux) propice aux rencontres de thés informelles et détendues, Sylvie nous parle de sa pratique et de son enseignement.
Florence : "Bonjour Sylvie, merci de nous accueillir dans cette superbe pièce à thé dédiée au chanoyu.
Vous êtes française, chercheur au CNRS et maître de thé : il semble que ce soit votre "recette" secrète, votre alchimie personnelle dans le monde du thé."
Sylvie : Chercheur au CNRS, géographe et japonologue mes travaux portent sur le patrimoine matériel et immatériel au Japon et l’invention de la modernité. Il est facile de comprendre que mes deux vies, professionnelle et d’enseignante de la voie du thé, s’enrichissent mutuellement en permanence. Tout ce qui touche la culture du thé au Japon constitue un terrain magnifique pour la réflexion scientifique. Bref j’ai décidé d’emmener au pays du thé japonais tous ceux que cette aventure tentait. Et c’est fou ce que j’apprends à travers tous ceux avec lesquels je suis partie !
J’avais depuis longtemps envie de recréer l’environnement et de susciter l’atmosphère des séances de cours qui m’avaient tant fascinée au Japon durant les premières années de mon apprentissage. Ce fut un long parcours mais j’ai eu la chance de bénéficier de la collaboration de beaucoup de gens de grande qualité au Japon comme en France, voire en Europe qui ont voulu m’aider dans cette aventure. En fait ce lieu vivant est le produit de l’amitié et je pourrai même affirmer qu’il se situe au sein d’un immense réseau de relations amicales internationales. Chacun des participants concourre à sa qualité. Seule je ne pourrai pas faire grand chose.

"Pouvez-vous nous définir ce qu'est le chanoyu ?" Littéralement chanoyu signifie « l’eau chaude du thé » terme traduit en général en français par cérémonie de thé, de l’anglais tea ceremony. On ne parle jamais de « cérémonie de thé » en japonais mais de réunions de thé informelles ou formelles. Ces différences démontrent que selon les langues et surtout les perceptions culturelles nous mettons l’accent sur des aspects différents. L’occident en a retenu le caractère rituel avant tout.

Chanoyu désigne une forme de sociabilité à travers la préparation du thé en poudre vert. Il s’agit d’une réunion entre un hôte et ses invités. Ces personnes communiquent à travers toutes sortes d’expressions matérielles et immatérielles, outre le langage. Tout cela s’acquiert progressivement de façon à apprendre à créer ces moments éphémères.
"Comment êtes-vous venue à la pratique du thé et qu'est ce qui vous a amenée vers l'enseignement du thé?"

La découverte de cette pratique culturelle s’est faite tout à fait par hasard lors d’une démonstration, lorsque j’étais étudiante boursière du gouvernement japonais au Japon. J’ai senti tout de suite qu’elle ouvrait sur d’immenses possibilités de mieux comprendre le Japon en pénétrant de l’intérieur. Ce pays me fascinait depuis que j’étais enfant. Lorsque j’ai commencé je n’avais pas la moindre idée de ce que c’était chanoyu et de la direction que ma vie prendrait alors avec.

"Qu'enseignez-vous durant vos cours?" J’aimerai enseigner beaucoup plus que je ne peux le faire durant les quelques heures de cours et je reste toujours frustrée. Concrètement ces moments sont axés sur la pratique et l’apprentissage pas à pas des préparations de thé. J’essaie d’apporter des informations complémentaires qui situent les gestes, les objets etc. dans leur contexte culturel car je suis un chercheur avant tout. La pratique de chanoyu peut s’évoquer en terme de cheminement personnel car elle baigne dans un contexte spirituel particulier, propre à la culture japonaise. C’est à chacun d’avancer en fonction de ses moyens. Durant les cours je ne peux qu’ouvrir des portes sur toutes sortes de domaines très vastes et variés.

"Qu'est ce que la pratique du thé traditionnel japonais peut apporter à un occidental ? "
Chacun recherche à travers cette pratique quelque chose de différent. C’est fascinant de voir à quel point un petit groupe comme le notre réunit des gens à la fois fort différents et qui se comprennent tous unis par une passion commune.
La concentration, le calme indispensables à cette pratique sont des facteurs puissants d’attraction. Mais aussi la recherche et la création d’une certaine beauté peuvent attirer fortement.
Pratiquer chanoyu requiert de se mouvoir au cœur de la culture japonaise, donc certains sont attirés par la plongée dans cette altérité proposée par le thé. C’est un voyage qui permet de mieux se connaître soi-même. Cette pratique fait appel au physique comme au mental et donc est tout à fait globale.
"Merci Sylvie pour ce moment passé en votre compagnie."

Carnet pratique :
Pour toute information, n'hésitez pas à contacter Mme Guichard-Anguis à l'adresse suivante :
chanoyu.valdemarne@hotmail.fr
Liens complémentaires :

Chanoyu en Val de Marne

Centre de Recherche sur l'Extrême Orient

Note : Les personnes intéressées pour assister à une simple démonstration de chanoyu peuvent s'adresser à La Maison de la culture du Japon à Paris qui organise chaque mercredi des cérémonies du thé accompagnées d'une dégustation.